Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 février 2021, 19-20.599, Inédit

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Jérémy Berlemont · Actualités du Droit · 20 avril 2021

Victoria Mauriès · Actualités du Droit · 23 février 2021
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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 10 févr. 2021, n° 19-20.599
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 19-20.599
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 3 juillet 2019, N° 16/23609
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043168293
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:CO00204
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Texte intégral

COMM.

FB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 10 février 2021

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 204 FS-D

Pourvoi n° G 19-20.599

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 FÉVRIER 2021

La société Goodmills Deutschland GmbH, dont le siège est […], société de droit allemand, venant aux droits de la société VK Mühlen, a formé le pourvoi n° G 19-20.599 contre l’arrêt rendu le 4 juillet 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Grands moulins de Paris, société anonyme,

2°/ à la société Grands moulins de Paris, société anonyme, venant aux droits de la société Euromill Nord,

3°/ à la société Nutrixo, société anonyme,

toutes trois ayant leur siège […] ,

4°/ à la société Axiane participations, société par actions simplifiée unipersonnelle,

5°/ à la société Minoteries Cantin, société par actions simplifiée unipersonnelle,

toutes deux ayant leur siège […] ,

6°/ à la société Les Grands Moulins de Strasbourg, société anonyme, dont le siège est […] ,

7°/ à la présidente de l’Autorité de la concurrence, domiciliée […] ,

8°/ au ministre de l’économie, domicilié […] ,

9°/ au procureur général près la cour d’appel de Paris, domicilié en son parquet général, 4 boulevard de Palais, 75001 Paris,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Goodmills Deutschland GmbH, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la présidente de l’Autorité de la concurrence, et l’avis de Mme Pénichon, avocat général, après débats en l’audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mmes Darbois, Poillot-Peruzzetto, Daubigney, M. Ponsot, Mme Boisselet, M. Mollard, conseillers, Mmes Le Bras, de Cabarrus, Lion, Comte, Lefeuvre, Tostain, Bessaud, Bellino, conseillers référendaires, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 4 octobre 2017, pourvois n° 14-29.542, 14-28.234, 14-29.273, 14-29.482, 14-29.509, 14-29.491, 14-50.076, 14-29.354), le Conseil de la concurrence, devenu l’Autorité de la concurrence (l’Autorité), s’est saisi d’office, le 23 avril 2008, de pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires. Après notification de griefs à différentes entreprises, l’Autorité, par décision n° 12-D-09 du 13 mars 2012, a dit établi que la société VK Mühlen, aux droits de laquelle vient la société Goodmills Deutschland GmbH (la société Goodmills), a enfreint les dispositions de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), en participant à une entente anticoncurrentielle établie entre le 14 mai 2002 et le 17 juin 2008, période au cours de laquelle ont eu lieu douze réunions, à l’invitation du syndicat professionnel des meuniers allemands, le Verband Deutscher Mühlen (le VDM).

2. La société VK Mühlen a formé un recours en contestant, notamment, la durée de sa participation à l’entente, fixée, par l’Autorité, du 24 septembre 2003, date de la sixième réunion, au 17 juin 2008, date des opérations de visites et de saisies.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. La société Goodmills fait grief à l’arrêt de réformer l’article 7 de la décision de l’Autorité n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires, mais uniquement en tant qu’il a, au titre des pratiques visées à l’article 1er, infligé une sanction pécuniaire de 17 110 000 euros à la société VK Mühlen puis, statuant à nouveau, de lui infliger, au titre des pratiques visées à l’article 1er de la décision, celle de 5 733 000 euros et de rejeter toutes autres demandes, alors :

« 1°/ que l’absence de distanciation ne peut, dans le cadre d’une entente se poursuivant dans le temps et se caractérisant par une succession de réunions collusoires, être le seul élément retenu pour établir qu’une entreprise, invitée mais non présente à ces réunions collusoires, a continué de participer à l’infraction après la seule réunion à laquelle elle a été présente ; qu’au cas présent, ayant établi que la société VK Mühlen avait participé à la sixième réunion, mais non aux suivantes, la cour d’appel a relevé qu’elle avait été invitée aux septième et dixième réunions et en a déduit qu’elle aurait continué à participer à l’infraction jusqu’à l’envoi des invitations à participer à la onzième réunion ; que, tout en relevant que la société VK Mühlen n’avait pas la maîtrise de l’envoi des invitations à ces réunions auxquelles elle n’avait pas assisté, la cour d’appel a retenu que ladite société « pouvait toutefois y mettre un terme et détromper leur expéditeur ainsi que les autres membres de l’entente en se distanciant expressément » ; qu’en statuant ainsi, cependant que l’absence de distanciation ne pouvait suffire, en l’absence d’éléments factuels caractérisant la poursuite du comportement prétendument anticoncurrentiel, à caractériser la continuation de la participation de VK Mühlen à l’infraction, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

2°/ qu’à supposer que la simple circonstance qu’une entreprise soit invitée à certaines réunions sans se distancier publiquement soit suffisante pour établir qu’elle aurait continué à participer à l’infraction tant qu’elle était invitée, la continuité de cette participation à l’infraction doit être établie par des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que l’infraction s’est poursuivie de manière ininterrompue entre deux dates précises ; qu’il en résulte que lorsqu’une entreprise, présente à une réunion collusoire, est ensuite invitée de manière discontinue à certaines réunions subséquentes mais non à d’autres, il ne peut en être déduit, en l’absence de tout autre élément, qu’elle aurait continué à participer à l’infraction pendant toute la période des invitations discontinues ; qu’en l’espèce, il ressort des faits constatés par la cour d’appel que la société VK Mühlen a été invitée aux sixième et septième réunions, n’a pas été invitée aux huitième et neuvième réunions, puis a été à nouveau invitée à la dixième, et n’a par la suite plus été invitée du tout ; qu’une telle discontinuité exclut en toute hypothèse que la société VK Mühlen puisse être considérée comme ayant continué à participer à l’infraction jusqu’à la onzième réunion cependant qu’elle a cessé d’être invitée aux huitième et neuvième réunions ; qu’en jugeant que, bien que la société VK Mühlen ait cessé d’être invitée aux huitième et neuvième réunions, la circonstance qu’elle ait été de nouveau invitée à la dixième réunion suffirait à établir qu’elle aurait continué à participer à l’infraction jusqu’à la date des invitations à participer à la onzième réunion, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir énoncé devoir examiner si d’autres éléments du dossier que l’absence de distanciation à l’égard des pratiques permettent de considérer que la société VK Mühlen a participé à l’entente jusqu’à son terme, soit jusqu’au 17 juin 2008, et, dans la négative, déterminer quelle a été la durée de sa participation, l’arrêt constate qu’outre la présence de M. 10…, salarié de la société VK Mühlen, à la réunion n° 6, celui-ci a été destinataire des lettres d’invitations du VDM pour les réunions n° 5, 7 et 10. Il estime que

ces invitations, adressées par le VDM aux meuniers allemands et transmises aux entreprises françaises, qui indiquaient, concernant la réunion n° 7, « Suite à notre arrangement du 24 septembre 2003 je vous invite à une réunion avec les collègues français (…) » et, concernant la réunion n° 10, « rencontre avec les Français », étaient suffisamment précises pour que M. 10…, leur destinataire au sein de la société VK Mühlen, comprenne, d’abord, que la réunion n° 7 visait à la poursuite de la réunion n° 6 qui s’était tenue le 24 septembre 2003, et ensuite, bien qu’il n’ait pas assisté aux réunions n° 7, 8 et 9, que la réunion n° 10 s’inscrivait dans le même contexte, ces deux réunions poursuivant le pacte de non-agression entre les meuniers français et allemands. Il retient que la réception de ces invitations montre de surcroît que, jusqu’à l’envoi des invitations à la réunion n° 11, les parties à l’entente ont considéré que la société VK Mühlen partageait leurs objectifs, était prête à en assumer les risques et était des leurs et que, si elle n’avait pas la maîtrise de leur envoi, elle pouvait toutefois y mettre un terme et détromper leur expéditeur ainsi que les autres membres de l’entente en se distanciant expressément et en indiquant qu’elle ne souhaitait plus être conviée, ce qu’elle n’a pas fait. Il retient encore que le fait qu’elle n’ait, ensuite, pas reçu d’invitations pour les réunions n° 11 et 12 et qu’elle n’ait pas assisté à celles-ci démontre qu’à compter de la date des invitations à participer à la réunion n° 11, soit le 27 juillet 2004, la société VK Mühlen avait manifesté avec suffisamment de clarté qu’elle s’était distanciée de l’entente et que son comportement était interprété en ce sens par les autres participants. En l’état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d’appel, qui ne s’est pas bornée à établir l’absence de distanciation de la société VK Mühlen après sa présence à une réunion matérialisant sa participation à l’entente, mais qui a relevé des éléments factuels dont elle a déduit, souverainement, qu’ils établissaient la poursuite de la participation de cette société à l’entente jusqu’à la date qu’elle a fixée, a légalement justifié sa décision.

6. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Goodmills Deutschland GmbH aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Goodmills Deutschland GmbH et la condamne à payer à la présidente de l’Autorité de la concurrence la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Goodmills Deutschland GmbH, venant aux droits de la société VK Mühlen.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir réformé l’article 7 de la décision de l’Autorité de la concurrence n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires, mais uniquement en tant qu’il a, au titre des pratiques visées à l’article 1er, infligé les sanctions pécuniaires de : 17.110.000 euros à la société VK-Mühlen, d’avoir, statuant à nouveau, infligé, au titre des pratiques visées à l’article 1er de la décision n° 12-D-09, les sanctions pécuniaires suivantes : 5.733.000 € à la société GoodMills Deutschland GmbH, anciennement société VK-Mühlen AG et d’avoir rejeté toutes autres demandes des parties ;

Aux motifs que « Sur la participation des sociétés VK-Mühlen et Grands Moulins de Paris aux pratiques objet du grief n° 1, 1. Les principes applicables pour caractériser la participation à une entente et sa durée, S’agissant de la participation à une entente, dans son principe, ainsi que l’a rappelé le Tribunal de l’Union au point 47 de son arrêt Quinn Barlo e.a./Commission, précité, il est de jurisprudence constante qu’il suffit que l’autorité de concurrence démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée, pour prouver à suffisance la participation de ladite entreprise à l’entente ; que la raison qui sous-tend ce principe de droit est que, ayant participé à ces réunions sans se distancier publiquement de leur contenu, l’entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à son résultat et qu’elle s’y conformerait (même arrêt, point 48) ; qu’ainsi que le font observer les requérantes, les arrêts cités par l’Autorité au paragraphe 472 de la décision attaquée ainsi que dans ses observations, et qui énoncent ce principe, se référent à « des réunions » et concernent des situations dans lesquelles les parties en cause ont participé à plusieurs réunions (TUE, arrêts du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, point 232 ; du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12/89, point 98 ; du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T-141/89, points 85 et 86 ; du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri/Commission, T-21/99, points 41 à 56, et Quinn Barlo e.a./Commission, précité, point 47) ; que, toutefois, le principe selon lequel, en participant à des réunions anticoncurrentielles sans se distancier publiquement de leur contenu, une entreprise donne à penser aux autres participants qu’elle souscrit aux résultats attendus de l’entente et qu’elle se conformera à celle-ci, s’applique tout autant à la participation à une seule réunion à objet anticoncurrentiel qu’à plusieurs et justifie que, dans un tel cas, l’entreprise en cause soit reconnue comme ayant participé à la pratique anticoncurrentielle résultant de cette réunion ; que c’est ce qu’a énoncé la Cour de justice dans son arrêt T-Mobile Netherland e.a., précité, en disant pour droit que, «[p]our autant que l’entreprise participant à la concertation demeure active sur le marché considéré, la présomption du lien de causalité entre la concertation et le comportement de cette entreprise sur ce marché est applicable même si la concertation n’est fondée que sur une seule réunion des entreprises concernées » ; que cette solution procède du constat, figurant au point 60 de cet arrêt, selon lequel « ce sont tant l’objet de la concertation que les circonstances propres au marché qui expliquent la fréquence, les intervalles et la manière dont les concurrents entrent en contact les uns avec les autres pour aboutir à une concertation de leur comportement sur le marché ; qu’en effet, si les entreprises concernées créent une entente avec un système complexe de concertation sur un grand nombre d’aspects de leur comportement sur le marché, elles pourront avoir besoin de contacts réguliers sur une longue période ; qu’en revanche si, comme dans l’affaire au principal, la concertation est ponctuelle et vise une harmonisation unique du comportement sur le marché concernant un paramètre isolé de la concurrence, une seule prise de contact pourra suffire pour réaliser la finalité anticoncurrentielle recherchée par les entreprises concernées » ; que la Cour de justice en conclut, au point 61 dudit arrêt, que, « [d]ans ces conditions, il y a lieu de considérer que ce qui importe n 'est pas tant le nombre de réunions entre les entreprises concernées que le fait de savoir si le ou les contacts qui ont eu lieu ont offert à ces dernières la possibilité de tenir compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur le marché considéré et de substituer sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence. Dès lors qu 'il peut être établi que ces entreprises ont abouti à une concertation et qu’elles sont restées actives sur ce marché, il est justifié d’exiger que celles-ci rapportent la preuve que cette concertation n 'a pas eu d’influence sur leur comportement sur ledit marché » ; que s’agissant d’établir la durée de participation à une entente, dans le cadre de pratiques anticoncurrentielles qui se déroulent sur une période de temps et se manifestent par une succession de réunions collusoires, la Cour de justice a précisé, au point 19 de son arrêt du 15 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission (C-634/13 P), que, « même lorsqu’il n’est pas contesté qu’une entreprise ne participe plus aux réunions collusoires d’une entente, elle est tenue de se distancier publiquement de cette dernière, afin qu’il puisse être considéré qu’elle a cessé d’y participer, la preuve de cette distanciation devant être appréciée selon la perception des autres participants à cette entente » (souligné par la cour) ; qu’elle a ajouté, aux points 22 et 23 du même arrêt, que, selon sa jurisprudence, l’exigence de distanciation est un moyen de preuve indispensable pour renverser la présomption de caractère illicite de la participation d’une entreprise à une réunion anticoncurrentielle, mais qu’en ce qui concerne la participation, non à des réunions anticoncurrentielles individuelles, mais à une infraction s’étendant sur plusieurs années, il découle de sa jurisprudence que l’absence de distanciation publique ne constitue qu’un des éléments parmi d’autres à prendre en considération en vue d’établir si une entreprise a effectivement continué à participer à une infraction ; qu’aux points 27 et 28 dudit arrêt, la Cour de justice a enfin précisé que, « [s]'agissant, notamment, d’une infraction s’étendant sur plusieurs années, […] le fait que la preuve directe de la participation d’une société à cette infraction pendant une période déterminée n 'a pas été apportée ne fait pas obstacle à ce que cette participation, également pendant cette période, soit constatée, pour autant que cette constatation repose sur des indices objectifs et concordants (voir, en ce sens, arrêts [du 21 septembre 2006,] Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C-105/04 P, […] points 97 et 98, ainsi que [du 6 décembre 2012,] Commission/Verhuizingen Coppens, C-441/11 P, […] point 72) », et que « [l]'absence de distanciation publique constitue une situation factuelle dont la Commission peut faire état pour prouver la poursuite du comportement anticoncurrentiel d’une société ; que toutefois, dans le cas où, au cours d’une période significative, plusieurs réunions collusoires ont eu lieu en l’absence de participation des représentants de la société concernée, la Commission doit également fonder son appréciation sur d’autres éléments de preuve » (souligné par la cour) ; qu’il s’ensuit que la participation d’une entreprise à une seule réunion anticoncurrentielle sans distanciation suffit à démontrer son adhésion à l’entente, mais que, lorsque cette pratique se poursuit ensuite pendant plusieurs années et qu’au cours d’une période significative, plusieurs réunions collusoires ont lieu sans que cette entreprise y participe, l’autorité de concurrence ne peut lui imputer la responsabilité de la pratique pour toute sa durée sans compléter son appréciation par d’autres éléments de preuve que celui résultant de l’absence de distanciation à une réunion antérieure, qui est un élément de preuve insuffisant, à lui seul ; que l’Autorité est en conséquence mal fondée à soutenir que les éléments démontrant que l’entente a duré pendant plusieurs années suffisent à établir la participation des sociétés VK-Mühlen et Grands Moulins de Paris pour toute la durée de celle-ci, alors même qu’elles n’ont assisté qu’à une seule réunion, tenue le 24 septembre 2003, près de cinq ans avant la cessation des pratiques ; que, sur la participation des sociétés VK-Mühlen et Grands Moulins de Paris, il n’est pas contesté par les requérantes que la pratique objet du grief n° 1 était une pratique continue et qu’elle a été caractérisée pour la période du 14 mai 2002 au 17 juin 2008 ; que le 14 mai 2002 correspond à la date de la première réunion organisée par la VDM à laquelle les entreprises françaises ont été invitées et par laquelle a commencé à se mettre en place leur accord visant à limiter l’exportation de farine en sachets de part et d’autre de la frontière franco-allemande (décision attaquée, § 127 et s.) ; que le 17 juin 2008 correspond au lendemain de la date du dernier courrier électronique par lequel il est établi que les participants à l’entente ont échangé des informations sur les prix, témoignant de ce que l’accord franco-allemand était exécuté (décision attaquée § 234) ; qu’il résulte par ailleurs des éléments décrits dans la décision attaquée et non contestés par les sociétés VK-Mühlen et Grands Moulins de Paris, qu’entre ces deux dates, douze réunions entre les meuniers français et allemands ont eu lieu du 14 mai 2002 au 21 septembre 2004 ; que ces réunions ont débouché à titre principal sur des principes de « non-agression » décidés de façon commune entre meuniers français et allemands, mais elles ont aussi donné lieu à des échanges d’informations sur les volumes d’importation de farine en sachets de l’Allemagne vers la France, et vice versa, ainsi que sur les prix, volumes et clients à livrer en farine en sachets, principalement en France et en Europe (décision attaquée, § 127 à 180) ; que par ailleurs, il résulte encore des éléments repris dans la décision attaquée, et qui ne sont pas davantage contestés, que les principes de limitation des importations, ainsi que les répartitions de volumes et de clients convenues ponctuellement entre les meuniers français et allemands, ont fait l’objet d’une surveillance quant à leur mise en oeuvre, à tout le moins par les meuniers français, et que cette surveillance s’est poursuivie après la dernière réunion du 21 septembre 2004 jusqu’au mois de juin 2008 (décision attaquée, § 218 à 234) ; qu’il est établi, notamment, par les déclarations reprises aux paragraphes 184 à 186 de la décision attaquée et par les notes détaillées, mentionnées aux paragraphes 215 à 217, qu’au cours de la réunion n° 6, les participants ont abordé la question du pacte de non-agression franco-allemand convenu entre eux et qu’ils ont échangé des informations sur les prix et les volumes à offrir à la centrale d’Intermarché ainsi que sur les livraisons concernant deux enseignes du « hard discount » ; qu’il s’en déduit que les participants, dont les sociétés VK-Mühlen et Grands Moulins de Paris, étaient informés de l’objet de la concertation, qu’ils ont eu accès à des informations privilégiées et que, à tout le moins, par leur absence de distanciation, ces sociétés ont donné à penser aux autres participants qu’elles souscrivaient à la pratique et s’y conformeraient ; que dans ces circonstances de fait et en application des principes rappelés ci-dessus, il est établi que les sociétés VK-Mühlen et Grands Moulins de Paris ont participé à l’entente objet du grief n° 1 à compter du 24 septembre 2003, date de la réunion n° 6 ; qu’il est sans portée sur ce point que la société Grands Moulins de Paris n’ait pas été citée par le demandeur de clémence comme ayant participé à cette entente, ainsi que celle-ci le fait valoir au paragraphe 531 de son mémoire récapitulatif du 14 décembre 2017 ; que la société GoodMills Deutschland ne conteste pas la participation de la société VK-Mühlen à la réunion n° 6 ni le caractère anticoncurrentiel de cette réunion ; qu’elle ne conteste pas non plus que la société VK-Mühlen ne s’est pas distanciée de la pratique ni que celle-ci a duré jusqu’au 17 juin 2008, mais fait seulement valoir que l’Autorité n’a pas établi la participation de cette société aux pratiques pour la durée de quatre ans et huit mois retenue contre elle ; que s’agissant de la durée de leur participation, il n’est pas contesté que les sociétés VK-Mühlen et Grands Moulins de Paris n’ont assisté à aucune des six réunions (désignées par les n°s 7 à 12) qui, pendant encore une durée d’un an, ont suivi la réunion n° 6 ; que par ailleurs, aucun des éléments du dossier ne permet de constater qu’elles auraient été associées aux actes de surveillance de la mise en oeuvre des limitations réciproques d’exportation ; que dans cette situation d’une entente se poursuivant dans le temps et se caractérisant par une succession de réunions collusoires, pendant deux ans, alors que ces deux sociétés n’ont plus participé aux réunions anticoncurrentielles jusqu’à leur terme et pendant une durée qui peut être qualifiée de significative au regard de la durée d’ensemble de la période de réunions, ni été associées aux actes démontrant la continuation de l’entente, la seule circonstance qu’elles ne s’étaient pas distanciées des pratiques est insuffisante pour considérer que leur participation est établie jusqu’au 17 juin 2008, date de fin des pratiques ; qu’il est indifférent que, comme le souligne l’Autorité, ces pratiques aient consisté en un accord de volontés ayant un objet anticoncurrentiel et non en de simples échanges d’informations à l’occasion de réunions ponctuelles ; que sur ce point, il convient en effet d’observer que, si l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Total Marketing Services/Commission, précité, dans lequel la Cour de justice a affirmé la nécessité d’une preuve plus étayée que la seule absence de distanciation pour retenir la participation d’une entreprise à une entente au cours de la période pendant laquelle celle-ci n’a pas participé aux réunions anticoncurrentielles, concernait des accords ou des pratiques concertées portant sur la fixation des prix et sur l’échange et la divulgation d’informations sensibles sur le plan commercial affectant les cires de paraffine, elle portait aussi, pour ce qui concerne la société Total Marketing Services, sur une répartition de clients ou de marchés, c’est-à-dire sur un accord de volontés, sans que la Cour de justice ait distingué entre les types de pratiques ; que la cour doit en conséquence examiner si d’autres éléments du dossier que l’absence de distanciation à l’égard des pratiques permettent de considérer que les sociétés VK-Mühlen et Grands Moulins de Paris ont participé à l’entente jusqu’à son terme, soit jusqu’au 17 juin 2008, et, dans la négative, déterminer quelle a été la durée de leur participation ; que, s’agissant de la société VK-Mühlen, ainsi qu’il a été rappelé (voir § 56 du présent arrêt), l’Autorité a, outre la présence de M. 10…, salarié de la société VK-Mühlen, à la réunion n° 6, relevé que celui-ci avait été destinataire des lettres d’invitations de la VDM pour les réunions n°s 5, 7 et 10 ; que ces invitations adressées par la VDM aux meuniers allemands et transmises aux entreprises françaises, indiquaient, concernant la réunion n° 7, « Suite à notre arrangement du 24 septembre 2003 je vous invite à une réunion avec les collègues français (…) » ( annexe 57 cotes 12 565, 12 566 et 12 584) et, concernant la réunion n° 10, « rencontre avec les Français » ( annexe 57 cotes 12 601 et 12 617). Elles étaient suffisamment précises pour que M. 10…, leur destinataire au sein de la société VK-Mühlen, comprenne, d’abord, que la réunion n° 7 visait à la poursuite de la réunion n° 6 qui s’était tenue le 24 septembre 2003, et ensuite, bien qu’il n’ait pas assisté aux réunions n°s 7, 8 et 9, que la réunion n° 10 s’inscrivait dans le même contexte, ces deux réunions poursuivant le pacte de non-agression entre les meuniers français et allemands ; que la réception de ces invitations montre de surcroît que, jusqu’à l’envoi des invitations à la réunion n° 11, les parties à l’entente ont considéré que la société VK-Mühlen partageait leurs objectifs, était prête à en assumer les risques et était des leurs ; que, si, ainsi que le fait observer le ministre chargé de l’économie, elle n’avait pas la maîtrise de leur envoi, elle pouvait toutefois y mettre un terme et détromper leur expéditeur ainsi que les autres membres de l’entente en se distanciant expressément et en indiquant qu’elle ne souhaitait plus être conviée, ce qu’elle n’a pas fait ; qu’en revanche, le fait qu’elle n’ait ensuite pas reçu d’invitations pour les réunions n°s 11 et 12 et qu’elle n’ait pas assisté à celles-ci, démontre qu’à compter de la date des invitations à participer à la réunion n° 11, soit le 27 juillet 2004 (annexe 57, cote 12 484 et 12 501), la société VK-Mühlen avait manifesté avec suffisamment de clarté qu’elle s’était distanciée de l’entente et que son comportement était interprété en ce sens par les autres participants ; que ce n’est donc que jusqu’à cette date que peut être retenue sa participation à l’entente objet du grief n°1 ; qu’il s’ensuit qu’il est démontré que la société VK-Mühlen a participé à l’entente, objet du grief n°1, du 24 septembre 2003 au 27 juillet 2004 et que la décision doit être réformée sur ce point ; que la sanction prononcée par la décision sera réformée en conséquence, ainsi qu’il sera précisé aux paragraphes 433 et suivants du présent arrêt » (arrêt pp. 20-24, pts. 76-101) ;

Et que « sur la sanction infligée à la société VK-Mühlen, devenue GoodMills Deutschland, ayant retenu que la société VK-Mühlen, devenue GoodMills Deutschland, avait participé à l’entente en cause du 24 septembre 2003 au 17 juin 2008 (décision attaquée, § 564), soit pendant une durée de quatre ans et huit mois, l’Autorité a appliqué un coefficient multiplicateur de 2,83 pour le calcul du montant de base de la sanction qu’elle lui a infligée ; qu’elle a, en outre, considéré que les éléments du dossier ne faisaient pas ressortir d’éléments de nature à entrainer une diminution de cette sanction (décision attaquée, § 855), dont elle a, dès lors, fixé le montant à 17 110 000 euros ; qu’à titre subsidiaire, la société GoodMills Deutschland demande à la cour d’ « annuler » cette sanction ou, à tout le moins, d’en « réduire significativement » le montant aux motifs, d’une part, du caractère erroné de la durée des pratiques retenue par l’Autorité et, d’autre part, de la participation très limitée de la société VK-Mühlen à ces pratiques et du rôle de franc-tireur qu’elle aurait joué ; que, sur la réduction de la sanction au titre de la durée de l’infraction, conformément à la méthode qu’elle a exposée dans le communiqué sanctions, et comme elle l’a fait pour le calcul de chacune des sanctions pécuniaires qu’elle a prononcées, l’Autorité a appliqué à la proportion de 19 % de la valeur des ventes de la société VK-Mühlen, un coefficient multiplicateur de 2,83 correspondant à la durée de sa participation aux pratiques, du 24 septembre 2003 au 17 juin 2008 (décision attaquée, § 828) ; que la société GoodMills Deutschland fait valoir que, si la cour devait retenir sa participation au grief n° 1, la durée devrait en être limitée à la période s’étendant du 24 septembre 2003, date de la réunion n° 6 à laquelle la société VK-Mühlen a participé, au 17 octobre 2003, date de la réunion n° 7 à laquelle elle n’a pas participé, soit une durée de trois semaines ; qu’elle observe, par ailleurs, que l’Autorité, pour prendre en compte, dans le calcul du montant de base des sanctions, la durée de participation de chaque entreprise aux pratiques, n’a, au-delà des années complètes de participation, retenu que les mois complets de participation, en négligeant, ainsi qu’elle l’a expliqué au paragraphe 826 de la décision attaquée, les « jours allant au-delà du dernier mois complet de participation » ; qu’elle en conclut, la durée de sa participation aux pratiques étant inférieure à un mois complet, que le principe d’égalité de traitement commande d’appliquer un coefficient multiplicateur « égal à zéro » conduisant alors au prononcé d’une sanction « égale à zéro ; qu’à titre extrêmement subsidiaire, elle soutient que, si la cour devait «'arrondir'» la durée de sa participation à un mois, il en résulterait, sur la base d’une valeur des ventes réalisées par la société VK-Mühlen en 2003 de 36 358 000 euros et du coefficient de 19 % retenu par l’Autorité, que le montant de base de la sanction s’établirait à 552 641 euros, avant tout ajustement au titre des circonstances atténuantes qu’elle invoque ; que dans ses observations, l’Autorité rappelle qu’elle a, dans la décision attaquée, établi que la société VK-Mühlen avait participé aux pratiques du 24 septembre 2003 au 17 juin 2008 et, en conséquence, elle demande à la cour de rejeter ce moyen ; que le ministre chargé de l’économie fait valoir que le montant de la sanction infligée à la société VK-Mühlen devra être déterminé compte tenu de la durée de sa participation aux pratiques, qu’il estime limitée à la période allant du 24 septembre 2003 au 17 octobre 2003 ; qu’au paragraphe 100 du présent arrêt, la cour a jugé que la société VK-Mühlen avait participé aux pratiques en cause du 24 septembre 2003 au 27 juillet 2004, soit pendant une durée de dix mois ; que l’année complète de participation étant, ainsi qu’il été rappelé précédemment, affectée d’un coefficient multiplicateur de 1, il y a lieu, comme l’Autorité l’a fait dans cette affaire pour la société Saalemühle (décision attaquée, § 827), et afin de préserver l’égalité de traitement entre les différentes entreprises sanctionnées, de retenir un coefficient « correspondant au nombre de mois complets » pendant lesquels l’entreprise a participé à l’infraction ; que compte tenu de la durée de dix mois de la participation de la société VK-Mühlen à l’entente, un coefficient multiplicateur de 0,83 sera donc appliqué à la proportion de la valeur de ses ventes ; qu’à cet égard, il convient de retenir non, comme l’a fait l’Autorité dans la décision attaquée, la valeur des ventes réalisées lors de l’exercice 2007, mais, la cour ayant jugé qu’il n’était pas établi que la société VK-Mühlen avait pris part aux pratiques après le 27 juillet 2004, celle réalisée lors de l’exercice 2003, dont la société GoodMills Deutschland a déclaré, sans être contestée, qu’elle s’élevait à 36 358 000 euros ; qu’il en résulte que le montant de base de la sanction infligée à la société VK-Mühlen, au titre du grief n° 1, s’élève à 5 733 000 euros (36 358 000 x 0,19 x 0,83) ; que sur la réduction de la sanction au titre du caractère limité de la participation et du comportement de franc-tireur ; que la société GoodMills Deutschland souligne que, conformément au principe de proportionnalité consacré par l’article L. 464-2 du code de commerce et qui a valeur constitutionnelle, le communiqué sanctions prévoit, en son paragraphe 43, que le montant de base des sanctions pécuniaires doit être ajusté « pour tenir compte des circonstances atténuantes ou aggravantes, s’il y a lieu, et des autres éléments d’individualisation pertinents tenant à la situation de chaque entreprise ou organisme » ; qu’elle reproche à l’Autorité de ne pas avoir tenu compte de la situation particulière de la société VK-Mühlen, pas plus au stade de l’appréciation de la gravité de l’infraction qu’au stade de l’individualisation de la sanction, alors que, selon elle, cette société se démarquait des autres entreprises sanctionnées dans cette affaire, compte tenu, d’une part, de sa participation très limitée aux pratiques en cause et, d’autre part, de son rôle de franc-tireur ; que, sur le degré de participation de la société VK-Mühlen aux pratiques, la société GoodMills Deutschland fait valoir que la société VK-Mühlen n’a pris part qu’à une seule des douze réunions composant la première phase des pratiques en cause et qu’en particulier, elle n’a pas participé au dispositif de surveillance mis en place ultérieurement ; qu’elle soutient que c’est à tort que l’Autorité n’en a pas tenu compte dans la présente affaire, enfreignant ainsi les principes d’individualisation et de proportionnalité de la sanction, alors qu’elle applique régulièrement des réductions du montant des sanctions pécuniaires au profit des entreprises dont la participation aux pratiques en cause est moindre que celle d’autres participants ; qu’elle souligne qu’il en va de même dans la pratique décisionnelle de la Commission et la jurisprudence du Tribunal de l’Union, qui considèrent que la moindre intensité de la participation d’une entreprise ou l’absence de participation de sa part à un volet de l’infraction justifient une réduction de la sanction qui lui est infligée ; que l’Autorité rappelle qu’elle a considéré, dans sa décision n° 14-D-19 du 18 décembre 2014 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des produits d’entretien et des insecticides et dans le secteur des produits d’hygiène et de soins pour le corps que seul le constat d’un rôle exclusivement passif ou suiviste était susceptible d’être pris en compte dans l’appréciation du montant de la sanction pécuniaire, mais qu’en l’espèce, un tel rôle ne pouvait se déduire de ce que la société VK-Mühlen n’avait participé qu’à une seule réunion ; que la cour a jugé au paragraphe 98 du présent arrêt que, contrairement à ce que prétend la société GoodMills Deutschland, la participation à l’entente de la société VK-Mühlen ne s’était pas limitée à sa seule présence à la réunion du 24 septembre 2003, mais qu’elle s’était poursuivie au-delà, jusqu’au 27 juillet 2004, faute pour elle de s’être distanciée de cette entente en faisant savoir aux autres membres de celle-ci qu’elle n’entendait pas s’y conformer ; que la société GoodMills Deutschland ne peut donc prétendre que la participation de la société VK-Mühlen à cette seule réunion témoigne d’une moindre participation à l’entente, étant rappelé, en revanche, que la durée de sa participation, plus brève que celle d’autres mises en cause, a été déjà prise en compte dans le calcul du montant de base de la sanction au travers d’un coefficient de durée inférieur ; que son moyen est, dès lors, rejeté ; que, sur le rôle de franc-tireur de la société VK-Mühlen invoqué par la société GoodMilIs Deutschland, la société GoodMilIs Deutschland fait valoir qu’il ressort tant du communiqué sanctions que de la communication de la Commission 2006/C 210/2 du 1er septembre 2006, intitulée « Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 » que le comportement de franc-tireur adopté par une entreprise dans le cadre d’une entente figure au nombre des circonstances atténuantes de nature à réduire le montant de la sanction qui lui est infligée ; qu’elle prétend qu’en l’espèce, la société VK-Mühlen a adopté un tel comportement et joué un rôle pro-concurrentiel, ainsi que cela est attesté, selon elle, par un courriel échangé entre deux employés de la société Minoteries Cantin, dont les termes montrent que la société Kampffmeyer, filiale à 100 % de la société VK-Mühlen, est présentée comme un franc-tireur cherchant à pénétrer le marché français à l’occasion d’un contrat conclu avec le distributeur Aldi. Elle reproche à l’Autorité de ne pas avoir tenu compte de ce courriel en ce qui concerne la société VK-Mühlen, alors qu’elle l’a utilisé afin de conforter la preuve de la participation d’autres mises en cause aux pratiques ; que l’Autorité considère que la requérante ne rapporte pas la preuve du rôle de franc-tireur qu’elle allègue et qu’en particulier, le courriel sur lequel elle s’appuie, daté du 12 juin 2008, n’est qu’un élément isolé et tardif, puisqu’intervenant à la fin de l’infraction poursuivie, et qu’il est insuffisant à démontrer que, par son comportement, la société VK-Mühlen aurait perturbé l’entente franco-allemande d’une manière sensible ; que le courriel qu’invoque la société GoodMills Deutschland a été échangé le 12 juin 2008 entre deux collaborateurs de la société Minoteries Cantin. Tl y est rendu compte d’une réunion tenue à la société France Farine : « Je sors de 3 heures de réunion chez FF (à Ici suite de J’AG) où nous avons fait le point sur la situation des marchés (…) Je vous annonçais dans mon mail du 10.06 que le plus gros meunier allemand, Kampf-Meyer (orthographe non garantie), avait signé chez Aldi France pour 325 euros/T sur le marché sachet du hard en type 45 piquant à FF près de […] T de volume annuel. Il faut savoir qu’actuellement nous vendons en hard autour de 430 euros/T. Comme je le craignais, ce prix de 325 devient une référence qui entraine tous le marché vers le bas » (décision attaquée § 233 et annexe 28) ; que comme le prétend la requérante, ces termes traduisent un comportement offensif de la société Kampffmeyer, filiale de la société VK-Mühlen à l’égard de ses concurrents sur le marché français et sa volonté de gagner, par une politique de bas prix, des parts de ce marché. On ne saurait cependant en déduire un motif propre à diminuer le montant de la sanction, puisqu’ils témoignent de ce que la société VK-Mühlen a joué un rôle de franc-tireur, non dans le cadre de sa participation à l’entente, du 24 septembre 2003 au 27 juillet 2004, mais en 2008, soit plusieurs années après la fin de cette participation ; que les moyens de la société GoodMills Deutschland tendant à la prise en compte de la participation prétendument limitée de la société VK-Mühlen aux pratiques en cause et du rôle de franc-tireur qu’elle aurait joué ayant été rejetés, la cour, réformant la décision de l’Autorité, fixe à 5 733 000 euros le montant de la sanction pécuniaire qui lui est infligée » (pp. 75-78, pts. 433 à 453 ;

1°) Alors que l’absence de distanciation ne peut, dans le cadre d’une entente se poursuivant dans le temps et se caractérisant par une succession de réunions collusoires, être le seul élément retenu pour établir qu’une entreprise, invitée mais non présente à ces réunions collusoires, a continué de participer à l’infraction après la seule réunion à laquelle elle a été présente ; qu’au cas présent, ayant établi que la société VK Mühlen avait participé à la 6e réunion, mais non aux suivantes, la cour d’appel a relevé qu’elle avait été invitée aux 7e et 10e réunions et en a déduit qu’elle aurait continué à participer à l’infraction jusqu’à l’envoi des invitations à participer à la 11e réunion ; que, tout en relevant que la société VK Mülhen n’avait pas la maîtrise de l’envoi des invitations à ces réunions auxquelles elle n’avait pas assisté, la cour d’appel a retenu que ladite société « pouvait toutefois y mettre un terme et détromper leur expéditeur ainsi que les autres membres de l’entente en se distanciant expressément » (arrêt, p. 24, pt. 98, in limine) ; qu’en statuant ainsi, cependant que l’absence de distanciation ne pouvait suffire, en l’absence d’éléments factuels caractérisant la poursuite du comportement prétendument anticoncurrentiel, à caractériser la continuation de la participation de VK Mülhen à l’infraction, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101§1 du TFUE et L 420-1 du code de commerce ;

2°) Alors que, subsidiairement, à supposer que la simple circonstance qu’une entreprise soit invitée à certaines réunions sans se distancier publiquement soit suffisante pour établir qu’elle aurait continué à participer à l’infraction tant qu’elle était invitée, la continuité de cette participation à l’infraction doit être établie par des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que l’infraction s’est poursuivie de manière ininterrompue entre deux dates précises ; qu’il en résulte que lorsqu’une entreprise, présente à une réunion collusoire, est ensuite invitée de manière discontinue à certaines réunions subséquentes mais non à d’autres, il ne peut en être déduit, en l’absence de tout autre élément, qu’elle aurait continué à participer à l’infraction pendant toute la période des invitations discontinues ; qu’en l’espèce, il ressort des faits constatés par la cour d’appel que la société VK Mühlen a été invitée aux sixième et septième réunions, n’a pas été invitée aux huitième et neuvième réunions, puis a été à nouveau invitée à la dixième, et n’a par la suite plus été invitée du tout ; qu’une telle discontinuité exclut en toute hypothèse que la société VK Mühlen puisse être considérée comme ayant continué à participer à l’infraction jusqu’à la onzième réunion cependant qu’elle a cessé d’être invitée aux huitième et neuvième réunions ; qu’en jugeant que, bien que la société VK Mühlen ait cessé d’être invitée aux huitième et neuvième réunions, la circonstance qu’elle ait été de nouveau invitée à la dixième réunion suffirait à établir qu’elle aurait continué à participer à l’infraction jusqu’à la date des invitations à participer à la onzième réunion, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101§1 du TFUE et L 420-1 du code de commerce ;

3°) Alors que, en tout état de cause, les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie et à la situation de l’entreprise sanctionnée ; que la simple absence de distanciation publique ne peut être le seul élément retenu pour caractériser une participation active à l’infraction ; qu’au cas présent, la société Goodmills faisait valoir que le rôle de la société VK Mühlen avait été extrêmement limité sinon inexistant dès lors que le seul élément retenu à son encontre était sa présence à l’une des réunions collusoires, étant acquis et non contesté qu’elle n’avait aucunement été présente ni n’avait participé à l’une quelconque des 11 autres réunions collusoires ni au dispositif de surveillance mis en place par la suite ; que, pour écarter toute diminution de la sanction à raison du caractère extrêmement limité de de participation la société VK Mühlen, la cour d’appel s’est exclusivement fondée sur la circonstance qu’après avoir été présente à la sixième réunion, elle ne s’était pas distanciée publiquement de l’infraction ; qu’en statuant ainsi, cependant que la simple absence de distanciation publique ne peut être le seul élément retenu pour caractériser une participation active à l’infraction, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 464-2 du code de commerce et 49§3 de la Charte des droits fondamentaux.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 février 2021, 19-20.599, Inédit